• UN ESPOIR POUR NOËL

     

     

    Chapitre 1

     

    Kévin

     

    Ah… Séoul…

    Comme j'aime cette ville ! C'est animé et il y a tout le temps quelque chose à faire. L'ambiance de Noël est magnifiquement présente, les décorations donnent une ambiance magique à cette ville déjà si belle.

    C’est mon premier Noël en Corée !

    Mon téléphone se met à sonner, me sortant de mes pensées. Je décroche avec un sourire, lorsque je découvre que c'est Lisa qui m'appelle.

    Elle aussi est française. Nous nous sommes rencontrés lors d'une réunion d'expatrié et nous avons tout de suite sympathisé.

    C'est une fille joyeuse et pleine d'humour avec un tempérament de feu et une énergie débordante. Avec Max, Charlotte et Tanguy, nous formons un petit groupe assez sympa.

    — Salut Lisa ! lancé-je joyeusement en décrochant

    — Salut Kévin ! Comment tu vas ? Dis-moi, tu fais quoi ce soir ?! enchaîne-t-elle avant même que je n’aie eu le temps de répondre.

    — Je n’ai rien de prévu ! Un truc à me proposer ?

    — Oui ! Avec les autres, on va manger au resto, tu viens ?

    — Et comment ! dis-je très heureux de cette proposition

    — Yoo Min sera là aussi !

    — Ah…

    Ma bonne humeur retombe comme un soufflet…

    Yoo Min…

    Génial…

    Le gars le ennuyeux de Séoul…

    Yoo Min est né en Corée, mais a toujours vécu en France. Il est donc venu comme nous pour un an, mais était arrivé il y a six mois.

    Mais ce mec est super bizarre…

    Il a un style très gothique. Il est toujours habillé en noir, il n'a jamais l'air heureux de quoi que ce soit… comme il ne sourit jamais… Il fait un peu flipper… On ne sait jamais vraiment comment lui parler ni ce qu’il pense vraiment. Il répond au minimum, dès qu’on lui parle… Je n’ai aucune affinité avec lui.

    — Allez, Kév ! Il est cool Yoo Min. Il est juste… pas très causant.

    Sans déconner ?!

    — Ouais, je sais, soupiré-je. Mais je n'ai pas envie qu'il pourrisse encore l'ambiance… En plus demain, c'est le réveillon de Noël, on ne se verra pas pendant un certain temps…

    En Corée, Noël, c'est plus une histoire de couple que de fête en famille. Et comme Charlotte est en couple avec Max et Lisa avec Tanguy, ils ont décidé de tester le Noël coréen en couple. Du coup, on ne se reverra pas, pendant ce laps de temps.

    Maintenant que j’y pense, je n’ai toujours pas d’idée précise de ce que je vais faire pour le réveillon.

    Et oui, je suis le seul célibataire de la bande !

    Bon hormis Yoo Min bien évidemment qui pourtant malgré son air renfrogné attire les Coréennes comme des abeilles autour d’un pot de miel. C'est à n’y rien comprendre d'ailleurs ! Mais visiblement, les filles de ce pays l’apprécient énormément. Partout où il va, elles se retournent sur lui, gloussent quand il passe à côté d’elles. D’ailleurs, il n’y a pas que des femmes, il y a aussi pas mal d’hommes. Mais lui, on dirait qu’il ne les remarque pas. Il trace son chemin sans jamais accorder un regard à qui que ce soit. C’est à n’y rien y comprendre. On dirait que rien ni personne n’arrive à avoir grâce à ses yeux.

    Pour ma part, après un an de relation, ma copine m'avait largué comme une vieille chaussette par SMS… Pour se mettre en couple avec mon cousin deux semaines seulement après notre séparation !

    C’est toujours sympa la famille !

    Alors, comme je voulais aller en Corée depuis longtemps, ça m’a semblé être le bon moment. J'ai ainsi contacté une association qui m'a aidé pour les papiers et le logement. J'ai quitté mon boulot d'informaticien, au grand désespoir de mes parents, fais mes valises et j’ai pris l’avion direction Séoul avec l’espoir d’oublier ces derniers mois qui m’avaient fortement miné le moral. En moins d’un mois, j’étais sur place et j'avais même un boulot grâce à mes compétences en informatique.

    Durant cette année, j'avais décidé de m'amuser et de ne pas me prendre la tête !

    Même si j'ai un certain succès auprès de la gent féminine, je sais que pour les Coréennes, les Occidentaux, c'est surtout de la bonne chair fraîche.

    Un menu juste pour un soir.

    Malgré ma désinvolture de façade, je n'aime pas ce genre de chose et suis sérieux à ce sujet.

    Donc, non merci, je passe mon tour !

    — Allez, Kév !

    Le hurlement de Lisa, toujours au téléphone, me ramène à l'instant présent.

    — Oui, c'est bon t'inquiètes, je viens ! Envoie-moi l'adresse du resto, on se retrouve là-bas.

    — Yes !

    Son cri me vrille les tympans, mais je raccroche avec le sourire.

    Cette fille est vraiment folle !

     

    * * * * * *

     

    J'arrive au restaurant après deux heures de galères dans les transports en commun.

    Les festivals et les illuminations dispersés dans la ville attirent énormément de monde surtout à l'approche des fêtes de fin d’année. Déjà d’une, c'est un vrai défi de prendre le métro ici et de deux, il ne faut pas mourir étouffé dedans !

    En ouvrant la porte, je repère tout de suite Yoo Min, assis seul à une table un peu en retrait comme à son habitude.

    Génial…

    Évidemment, c’est lui qui est là le premier !

    — Salut Yoo Min ! le salué-je en essayant d'avoir un ton enjoué.

    — Salut Kévin, me répond-il en me regardant à peine.

    Ça commence bien, j'espère que les autres ne seront pas trop longs sinon paye ta galère.

    Je tente malgré tout de lancer une conversation, histoire d’être poli et que ce moment ne soit pas trop gênant.

    — Tu n’as pas eu trop de mal à arriver jusqu'ici ? Moi, j'ai galéré…

    — Non, me dit-il simplement.

    Bon... pour lui faire sortir plus de deux mots, il faut vraiment être d’une motivation à toute épreuve !

    Je l'observe un moment et je remarque qu’il a l'air fatigué.

    — Ça a été le boulot ? T'as l'air complètement crevé, lui demandé-je tout de même, un peu inquiet de ses cernes prononcés sous ses yeux.

    Il lève les yeux, l’air surpris.

    — Ça t’intéresse vraiment ?!

    Sa question me met tout à coup mal à l'aise. C'est vrai que je n'ai jamais été très agréable avec lui.

    Si je dois nous comparer, c’est le jour et la nuit. Je suis plutôt le schtroumpf joyeux et lui le schtroumpf grincheux.

    Il était arrivé depuis six mois, nous l'avons croisé à l’une de nos réunions d’expat. Comme nous étions en Corée depuis un moment, et qu'il avait l'air perdu et seul, Lisa, notre bonne âme du groupe, avait décidé d'aller lui parler et de l'inclure dans notre bande.

    Mais ne sentant aucune affinité avec lui, je ne lui parle quasiment jamais, au contraire de mes camarades qui eux sont devenus au fil du temps proche de lui, même si pour finir, il ne sort que rarement avec nous.

    Il a dû sentir que je ne l'apprécie pas beaucoup puisque lui non plus ne fait plus vraiment l’effort de me parler comparer au début où nous nous sommes rencontrés. Bizarrement, cette pensée me met d’autant plus mal à l’aise, parce que les autres et moi rentrons en France après le Nouvel An et que lui va rester seul encore six mois… Autant essayer de fournir un effort ce soir.

    — Bien sûr ! Tu me prends pour qui ? rigolé-je avec un petit rire forcé.

    Mais il continue à me fixer, surpris, avec ses grands yeux noirs.

    En l’observent plus attentivement, si on passe outre son air maussade et son style vestimentaire très sombre, il est vraiment très beau !

    On pourrait croire qu'il sort tout droit d'un Drama coréen avec sa peau parfaite, ses yeux noirs en amandes entourés de longs cils qui lui donnent un air énigmatique, sa bouche pulpeuse et bien dessinée et ses cheveux couleur corbeau, dont quelques mèches, lui retombent devant les yeux.

    Je commence à comprendre pourquoi les filles sont toutes dingues de lui.

    — Le boulot, ça va. Comme ce sont les fêtes, les livraisons s'enchaînent, mais je suis en repos le 24 et le 25. Comme c'est mon premier Noël ici, le patron du resto a été sympa et m'a mis de congé pour que je puisse profiter et découvrir le Noël coréen, fini-t-il par me répondre.

    — Ah, c'est cool ça ! Du coup, tu vas faire quoi durant tes deux jours de congés ?

    — Je ne sais pas encore… et toi ?

    — Aucune idée ! Comme je pars bientôt, j'ai arrêté mon contrat pour pouvoir profiter des derniers jours.

    — Tu pars après le Nouvel An, c'est ça ?

    Pendant un quart de seconde, je crois déceler de la tristesse dans sa voix.

    Non, j’ai dû rêver.

    — Oui, je pars le 2 janvier.

    — Ok…

    Et il replonge dans son téléphone, comme si de rien était.

    Je suppose que la discussion est terminée...

    À ce moment, je vois avec soulagement les autres entrer dans le restaurant.

    — Ah, enfin ! Vous vous êtes perdu en route ou quoi ? les questionné-je tout en les saluant.

    Tanguy enlève son bonnet avec énervement et s’installe à table.

    — Il faut demander à ces demoiselles ! Une heure pour se préparer ! Comme si on allait à un gala, c'est pas possible ! répond-il visiblement à bout de nerfs.

    Lisa et Charlotte pouffèrent de rire.

    — Allez, mon pote, détends-toi, rigole Max. On a fini par arriver à destination !

    — Le célibat, c'est la vie ! dis-je à Tanguy sur le ton de la plaisanterie.

    — Reste célibataire mon pote, je te le dis !

    Son sourire en coin me fait comprendre que sa bonne humeur est de retour.

    — Ça va les gars, on ne vous gêne pas ? demande Lisa, l'air faussement offusqué.

    — Non, tranquille ma chérie, lui répond Tanguy malicieusement.

    — Et comment tu vas Yoo Min ? questionne Lisa.

    On se retourne tous pour le regarder et je m'aperçois qu'il me fixe d'un air étrange que je ne lui connais pas. Je dois avoir l'air surpris, car il baisse instantanément les yeux lorsque nos regards se rencontrent.

    — Ça va, Lisa. Je te remercie, répond-il le regard fixé sur la table.

    Les conversations reprennent dans les rires et la bonne humeur.

    Pendant le repas, Charlotte me questionne :

    — Du coup Kév, tu fais quoi pour Noël ?

    — Je ne sais pas trop encore, je vais sûrement me promener et aller voir des festivals.

    — Ah, mais Yoo Min ne fait rien non plus ! Vous devriez y aller ensemble ! s’exclame Lisa.

    De surprise, j'en lâche mes baguettes.

    Elle a craqué ou quoi ?! Elle sait que lui et moi, ce n'est pas l'amour fou et elle veut qu'on passe Noël ensemble ? Lui et moi ?! Tous les deux ?! Non merci, sans façon !

    Je me mets à bafouiller quelque chose d’inaudible sans oser regarder Yoo Min, mais je sens ses yeux noirs posés sur moi. Il a dû sentir ma gêne ou être fortement gêné lui-même, car il lui répond rapidement :

    — Non, ne t'inquiète pas. Je vais aller me promener un peu et je vais rentrer chez moi me poser tranquille devant la télé !

    — C'est complètement stupide, répond Tanguy. Vous êtes tous les deux seuls pour Noël, vous habitez tout près l’un de l'autre, passez le réveillon ensemble !

    C'est un complot ou quoi ?!

    Je regarde Yoo Min qui ne sait plus où se mettre. Je ne sais pas quoi répondre. Si je dis non, je passe pour un connard, mais je n'ai aucune envie de répondre oui non plus. L'idée de passer Noël avec ce mec rabat-joie ne m'inspire pas du tout.

    — On en parlera ensemble, avec Kévin, sur le chemin du retour, répond-il d'un ton sans réplique à nos amis qui nous fixent à tour de rôle.

    C'est à mon tour de ne plus savoir où me mettre quand je comprends qu'on va devoir rentrer ensemble lui et moi, mais ça a eu pour effet les faire taire.

    Ouf ! Dieu merci !

    Nous terminons notre repas dans les rires et la bonne humeur. Enfin… sauf Yoo Min, qui lui, ne rigole pas du tout et affiche un regard triste dès qu'il lève les yeux de son portable.

    Mais qu'est-ce qu'il a ?!

    Après avoir payé et nous êtes souhaité un bon Noël, sommes tous partis chacun de notre côté. Les couples ensemble et Yoo Min et moi dans la direction opposée.

    Je marche aux côtés de Yoo Min, pour rentrer chez moi. C'est la première fois que l’on fait le chemin ensemble, alors que l'on habite à deux rues l'un de l'autre. Je suis assez gêné de ce qui s'est passé au restaurant et ne sait vraiment pas quoi lui dire.

    — Tu sais, ne t'inquiète pas, on ne va pas passer Noël ensemble. Je vois bien qu'en plus, tu n'en as pas envie, me dit-il soudainement.

    Je me sens rougir et n'ose pas le regarder.

    — Ce n'est pas ça... C'est que....

    Que répondre à ça, franchement ?

    — Ne te fatigue pas, c'est bon. Je sais que tu ne m'apprécies pas.

    J'ai l'impression d’entendre de la peine dans sa voix ce qui me fait ressentir un pincement au cœur à mon grand étonnement.

    Kév, t’es vraiment pas cool avec lui, fait un effort !

    Mais lorsque je relève la tête pour tenter de m’expliquer, je me rends compte qu'il a accéléré et est en train de marcher devant moi.

    — Yoo Min, attends-moi !

    Mais il ne ralentit pas et continue d'avancer sans se retourner.

    Et merde… je crois que je l'ai vraiment vexé !

    J'accélère pour revenir à sa hauteur, mais c'est peine perdue. Plus je presse le pas, plus il fait de même.

    Je finis par laisser tomber et le laisse marcher seul devant moi.

    Bravo Kévin ! Ce coup-ci, tu ne t’es pas raté…

    Perdu dans mes pensées, je ne le vois pas s’arrêter net et le percute violemment. Je manque de tomber, mais il me rattrape par la taille d'un geste agile et avec une force que je ne soupçonnais pas jusque-là. Ses yeux plongent dans les miens d’une manière si intense que mes jambes se dérobent sous moi. Il me retient à nouveau tout en me regardant dans les yeux. Son regard est indéchiffrable, mais étonnamment, je ne trouve pas cela désagréable. Je suis comme hypnotisé et un long frisson me parcourt le corps.

    Après quelques secondes qui me semblent des heures, il finit par me lancer un « ça va » qui me fait sursauter et reprendre mes esprits. Me dégageant de son étreinte, je lui réponds faussement énervé pour tenter de cacher la vague de sentiments contradictoires qui vient de s’emparer de moi :

    — Oui, ça va. Mais qu'est-ce qui t'as pris de t'arrêter comme ça ?

    — Je me suis arrêté pour regarder le sapin de Noël.

    — Le sapin ?

    — Retourne-toi.

    Effectivement, nous sommes arrivés devant la mairie de Séoul et un immense sapin est dressé devant, magnifiquement décoré dans les tons rose et bleu avec des lumières scintillantes.

    — Waouh ! Il est superbe !

    Nous restons un moment à le contempler lorsque sans prévenir, des gouttes d'eau commencent à tomber du ciel.

    Et zut, il pleut…

    La pluie ici, ce n'est pas de petite averse comme en France. Ce sont des torrents de flotte qui vous tombent dessus d'un coup. Les parapluies ne servent quasiment à rien d'ailleurs.

    — On ferait mieux d'y aller ! lui dis-je, en l'attrapant par le bras.

    Il me regarde l'air surpris par ce contact physique, mais me suit sans rien dire.

    Ce que je redoutais tant arriva. Une pluie torrentielle s'abat sur nous. Dans les rues, tout le monde court pour se mettre à l'abri. On n'y voit plus rien à deux mètres. Je le sens prendre ma main et il commence à m'aider à slalomer entre des gens.

    — Écoute, on est à deux pas de chez moi, me dit-il. Viens à la maison, tu rentreras quand ça se sera calmé. C'est dangereux, là.

    J'accepte sa proposition. De toute façon, j'ai tellement d'eau qui me coule dans les yeux que le trajet jusqu'à chez moi me paraît être le bout du monde.

    Il sort ses clefs et nous entrons dans un petit immeuble. On enlève nos chaussures à l'entrée pour les mettre dans la case de son appartement. Il y prend ses chaussons et me les donne.

    — Tiens mets ça ou tu vas attraper froid, me dit-il.

    — Merci, mais et toi ? demandé-je un peu gêné.

    — Ne t'inquiète pas pour moi. Viens, j'habite au premier étage, répond-il en me faisant signe de le suivre.

    Je reste figé de surprise, un moment. Ce geste anodin me fait me rendre compte qu’il n’est pas si désagréable que ça. Il aurait très bien pu les garder pour lui, mais il a préféré me les laisser pour que je n’ai pas froid.

    C’est vraiment sympa de sa part ! pensé-je en le suivant.

    Arrivés devant la porte de son appart qu’il ouvre grâce à son badge, nous entrons rapidement.

    — Enlève ton manteau et va prendre une douche. Je te prête des vêtements. Tu es trempé, tu vas tomber malade. J'irai après, me dit-il d'un ton autoritaire, après m’avoir tendu une serviette et un ensemble de jogging gris qu’il vient de sortir de son armoire.

    — Tiens c'est pas noir ? lui demandé-je sur le ton de la plaisanterie, pour détendre l'atmosphère, car nous sommes tous deux un peu gênés par la situation.

    Il me lance un regard en coin, mais ne répond pas à ma petite blague.

    — La salle de bain est là, vas-y, se contente-t-il de me répondre.

    Ok, en gros, tais-toi Kévin et va te laver.

    Je fais donc ce qu’il me dit en regrettant soudain d'avoir accepté de venir chez lui.

     

    Chapitre 2

     

    Yoo Min

     

    Je regarde Kévin entrer dans la salle de bain avec un soupir. Je ne suis pas sûr que c'était une bonne idée de l'inviter chez moi… Je n'ai pas réfléchi. Il pleut tellement, je ne me voyais pas le laisser rentrer chez lui seul par ce temps. Je soupire de nouveau et décide de faire du thé pour nous réchauffer et pour m’occuper l’esprit.

    Les larmes me montent aux yeux en mettant l’eau à bouillir. Ce que je craignais m'a bien été confirmé ce soir…

    Il ne m’apprécie pas…

    Il faut dire que je ne sais vraiment pas m'y prendre avec lui…

    Quand il est devant moi, j'en perds mes mots, je ne sais plus quoi dire et je l'évite autant que possible comme un imbécile.

    C’est un garçon joyeux, avec beaucoup d'humour, toujours prêt à aider les autres. Il sait mettre les gens à l'aise. Il est également d’une beauté à couper le souffle. Avec ses grands yeux verts brillant où l’on peut y lire chaque émotion qu’il ressent, ses cheveux blonds légèrement ondulés qu’il essaye de coiffer sur le côté, mais d’où quelques mèches s’échappent toujours et viennent glisser devant ses yeux, ce que lui donne un regard encore plus sexy. Sa silhouette mince, mais athlétique où l’on peut deviner sous ses vêtements un corps sculpté qui m’a rendu complètement fou, la première fois que je l’ai vu dans un tee-shirt moulant.

    Je regarde mon reflet dans la bouilloire en étain. Je suis tout le contraire de lui. Pas très sociable, je ne souris pas beaucoup, mes cheveux et mes yeux noirs me donnent un air dur et froid. Et d’ailleurs, c’est l’image que j’essaye désespérément de renvoyer… La peur de souffrir à nouveau comme par le passé… me tord les entrailles. Je laisse rarement les gens s’approcher de moi de peur d’être déçu encore une fois. Mais lorsque j’ai rencontré Charlotte, Max, Tanguy, Lisa et Kévin à de mon premier rassemblement d’expatriés, pour la première fois depuis longtemps, j’ai eu envie d’intégré un groupe. Pas seulement à cause de Kévin, mais aussi parce que c’était des gens vraiment gentils. Ils m’ont pris sous leurs ailes, m’ont fait visiter la ville, intégré dans leurs sorties sans jamais me juger sur ma manière d’être ou de m’habiller. Le seul avec qui j’ai du mal à communiquer c’est Kévin… Pour mon plus grand malheur…

    Mais, j’ai réussi à m’ouvrir aux autres lorsqu’il n’était pas là. J’ai réussi à leur raconter un bout de ma vie et à mon grand soulagement, ils m’ont écouté avec bienveillance. Mon homosexualité ne leur a pas fait peur. J’ai pour la première fois vraiment la sensation de faire partie d’un groupe et d’être entouré. Même si la personne chère à mon cœur ne me regarde pas, au moins, je peux me féliciter d’avoir réussi à m’ouvrir un peu, chose qui n’était pas gagnée vu mes traumatismes. Rien que pour ça, je ne les remercierai jamais assez.

    Lisa a rapidement compris que Kévin me plaisait. Elle a absolument voulu nous mettre ensemble, au grand désespoir de Tanguy, qui lui demandait régulièrement de ne pas se mêler des affaires des autres.

    Cette pensée me fait sourire. Ils forment vraiment un beau couple ces deux-là.

    Lisa a tout essayé pour nous rapprocher, mais Kévin n'a jamais eu l'air de le comprendre ou n’a pas voulu le comprendre. L'espoir qui était né en moi lorsque Lisa a commencé à essayer nous caser ensemble est vite retombé.

    Comment il parle des femmes ne fait aucun doute qu'il est hétéro. Et de toute façon, son antipathie envers moi est tellement évidente que lorsque j'ai réalisé que je n'avais aucune chance, j’ai demandé à Lisa de laisser tomber. Après ça, je n’ai participé que rarement aux sorties avec eux lorsqu’il était présent. Je n’en avais plus le courage.

    Voir Kévin est un supplice pour moi. Voir en plus qu’il m’évite le plus possible et n’apprécie absolument pas ma présence est encore pire. J’ai beau m’être forgé une carapace solide aux fils des ans et de mes déconvenues, il a réussi sans le vouloir à me la fissurer suffisamment pour que les sentiments que je m’étais juré de ne plus jamais ressentir pour quelqu’un refassent surface… Et pas n’importe comment… Je n’avais jamais été aussi profondément amoureux avant de le rencontrer. Avec tout ce que je ressens au fond de mon cœur en sa présence ou en pensant à lui, je crois que les humiliations, les coups, les insultes que j’ai pu recevoir dans ma vie ne sont rien comparé à la douleur de l’aimer et que cela ne soit pas réciproque… loin de là.

    Une pointe douloureuse me transperce le cœur à la pensée que jamais je ne pourrai le serrer dans mes bras.

    Quand Tanguy m'a appelé pour me proposer d'aller au resto ce soir, j'ai accepté. Ce sont leurs derniers jours en Corée et je veux profiter d'eux un maximum avant qu’une fois de plus je me retrouve seul. Je me suis dit qu'une fois Kévin rentré en France, ce serait plus simple de l'oublier même si cette pensée me tord l'estomac et me rend malade.

    Lorsque je l'ai vu entrer dans le restaurant, mon cœur a raté un battement. J'étais arrivé bien trop tôt… Je ne m’attendais pas à me retrouver en tête-à-tête avec lui et j'avais agi encore plus stupidement que d'habitude, tellement que je n'osais pas lui parler de peur qu'il se rende compte de ce que je ressens pour lui.

    Pour cette invitation, je n'ai pas vu venir le piège… Lisa a de nouveau essayé de nous rapprocher avec Kévin et cette fois, Tanguy a eu l'air d’être dans le coup aussi.

    Mais quand elle a suggéré que nous passions Noël ensemble, j'ai vu Kévin se décomposer. Ça m'a été tellement douloureux de le voir ainsi à l’idée de passer le réveillon en ma compagnie que ça m'a coupé l'appétit et j'ai eu beaucoup de mal à donner le change après ça...

    Sur le chemin du retour, je n'ai eu qu'une envie : rentrer chez moi, pleurer un bon coup et tenter de l'oublier définitivement, même si ça n’allait pas être facile.

     

    Quand il m'est rentré dedans et que je l'ai soutenu pour qu’il ne tombe pas, j'ai cru que mon cœur allait lâcher. Ses yeux, son regard, la chaleur de son corps dans mes bras… J’en ai profité pour plonger mes yeux dans les siens. C’était la première fois que je le voyais de si près et j’ai failli l’embrasser à cet instant. Heureusement j’ai pu me retenir à temps ! Mais, je me suis dit à cet instant que c'était le plus beau moment de ma vie. Que j'avais eu cette chance de le tenir contre moi au moins une fois.

    Mais maintenant, à cause de cette pluie, il est coincé avec moi et au lieu de finir cette histoire sur une note douce, je sens que ça va être gênant et désagréable pour lui qui me déteste, comme pour moi qui l'aime à en devenir stupide.

    Mais, je vais essayer de lui montrer mon « vrai moi » ce soir. Je ne veux pas qu’il garde un mauvais souvenir de cette soirée seul en ma compagnie. Il faut que je rassemble mon courage et que je lui montre que je peux être agréable. Cela ne servira sûrement à rien, mais au moins il verra un autre aspect de ma personnalité que celle que je lui ai montrée jusqu’à présent. Que nous nous quittions en bon terme, au moins…

    Mon téléphone se met à sonner et me sort de mes pensées.

    — Mon chéri, c'est maman !

    — Salut, maman, dis-je les larmes aux yeux.

    — Comment s'est passée la soirée avec ton amoureux ?!

    Ça, c'est bien ma mère ! Jamais à tourner autour du pot !

    Quand elle a su que j'allais manger avec Kévin, elle est devenue limite hystérique !

    Mes parents m'ont toujours soutenu, même lorsque j'ai fait mon coming out. Je suis leur fils unique et pour eux, du moment que je suis heureux, le reste n'a pas d'importance. Je ne les remercierai jamais assez pour m'avoir permis d'être moi-même.

    Ma mère, c'est un peu ma meilleure amie.

    Je peux tout lui dire et elle a été la première à savoir pour Kévin. Elle m’encourageait à lui parler, bien avant que Lisa ne s'en mêle. Elle connaît ma timidité et bien évidemment mon passé amoureux, mais veut que son fils de 24 ans se case enfin avec un gentil garçon. Et lorsque je lui ai décrit Kévin, elle s’est tout de suite dit que c’était le bon pour moi.

    — Ce n'est pas mon amoureux maman, dis-je en soupirant. Il ne m'aime pas du tout, même en ami…

    — Oh, mon chéri…

    Le ton de ma mère devient triste, je sais qu'elle est désolée pour moi.

    — Ne t'inquiète pas, ce n'est pas grave. Il finit de prendre sa douche là.

    — Sa douche ?! Mais il est chez toi ? s'exclame-t-elle étonnée.

    — Oui, il s’est mis à pleuvoir des trombes d'eau et mon appart était plus près, du coup, je lui ai dit de venir.

    — Et il a accepté ?! hurle-t-elle si fort que je dois éloigner mon portable de mon oreille.

    — C'est juste pour se protéger de la pluie maman, ne t'imagine rien !

    — C'est ta chance mon fils ! Fonce une dernière fois, tu n'as rien à perdre !

    — Non, maman, j'abandonne.

    Des larmes se mettent à couler le long de mes joues sans que je m'en rende compte. Une voix derrière moi me fait sursauter et je me retourne vivement.

    — Tu m'as parlé ? me demande Kevin en me regardant d’un air interrogateur.

    Mince je ne l’ai pas entendu sortir de la salle de bain !

    J’en perds mes mots en le regardant.

    Mais pourquoi l'ai-je ramené chez moi punaise…

    Il est tellement beau avec ses cheveux humides en bataille. Mon tee-shirt blanc moule son corps parfait et ses yeux ressortent d’un vert encore plus intense que d’habitude.

    — Allô, allô ?! Yoo Min ?

    La voix de ma mère toujours au téléphone me ramène brusquement à la réalité.

    — Il faut que je te laisse maman, ne t'inquiète pas pour moi. Je t'aime.

    Je raccroche en vitesse avant qu'elle ne puisse dire un mot, de peur qu'elle ne hurle de nouveau dans le téléphone et que Kévin l'entende.

    — Désolé, c'était ma mère, lui dis-je en espérant qu'il n'avait pas entendu notre conversation.

    — Ce sont tes parents sur la photo ? me demande-t-il en désignant un cadre sur l'étagère.

    — Oui, ce sont eux.

    Devant son air surpris, je ne peux m'empêcher de me justifier.

    — Ils ne sont pas coréens, j'ai été adopté.

    — Ah, je ne savais pas. Je savais que tu étais né en Corée, mais pas que tu avais été adopté, désoler, me répond-il un peu gêner.

    — Ne t’inquiète pas, il n'y a pas de mal.

    — Ils te manquent ? C’est pour ça que tu pleures ? me demande-t-il gentiment.

    Zut… Je vais encore passer pour un idiot…

    J’essuie rapidement mes yeux avec ma manche et lui réponds en essayant de me maîtriser le plus possible :

    — Oui, c’est ça. J'ai fait du thé, si tu veux en prendre une tasse. Sers-toi.

    Je prends mes vêtements et me précipite dans la salle de bain en évitant son regard.

    Je suis vraiment stupide… pensé-je en m’appuyant contre le lavabo et en me regardant dans la glace. Ce n’est pas comme ça qu’il va avoir une bonne image de moi… Il faut vraiment que je fasse un effort…

    J’entre dans la douche sur cette dernière réflexion.

     

    Chapitre 3

     

    Kévin

     

    Le pauvre, sa famille doit vraiment lui manquer…

    Ça me fait de la peine de le voir pleurer comme ça, lui qui donne toujours cette impression de froideur et qui n’exprime jamais aucune émotion. Je viens de découvrir une autre facette de lui qui le rend à mes yeux... plus humain.

    Je prends une des deux tasses de thé qu'a préparé Yoo Min et m'installe sur lit le temps qu'il finisse de se doucher.

    Son appartement est petit et il n'y a que le lit pour s'asseoir. Mais dans l'idée que je m’en faisais, je pensais qu’il serait à son image : noir et sans chaleur, mais pas du tout ! C'est vraiment cocooning. Les meubles sont en bois clairs, la décoration est soignée avec de jolis tableaux représentant des scènes coréennes qui ressortent joliment sur les murs blancs. Une multitude de mangas est rangée sur une étagère au-dessus du meuble télé qui se trouve en face du lit. Celui-ci est d’ailleurs fait et recouvert de coussins moelleux beiges qui vont parfaitement avec la housse de couette blanche. La kitchenette est petite, mais fonctionnelle. Tout est bien rangé et propre. C'est assez agréable.

    Il a mis quelques décorations de Noël un peu partout ce qui rend l'endroit encore plus chaleureux avec un petit sapin qui s’allume et des guirlandes or et argenté accrochées aux meubles où il y a fait pendre des petites boules qui scintillent.

    C’est vraiment très chouette !

    Et surtout, c'est calme !

    Moi, qui vis dans une sorte d'auberge de jeunesse. J'ai une petite chambre, mais les douches et la cuisine sont communes et il y règne un brouhaha sans fin. C'est infernal. Aucun coréen, que des touristes, ce qui explique sûrement ce chahut, car en Corée, ils sont très respectueux… Les touristes beaucoup moins…

    J’entends la porte de la salle de bain s'ouvrir et je me tourne pour dire à Yoo Min à quel point son appartement est sympa, mais les mots se perdent dans ma bouche.

    Il porte un débardeur blanc moulant qui met en avant ses bras musclés et avec lequel, on peut aisément deviner son corps sculpté et bien dessiné comme une statue grecque. Il est magnifique ! Le blanc de son débardeur fait ressortir son beau regard sombre et ses beaux cheveux noirs qu'il a attachés en un demi-chignon laissant quelques mèches s'échapper autour de son visage.

    Je manque d’en avaler mon thé de travers.

    Il prend sa tasse et vient s'asseoir de l'autre côté du lit en face de moi, sans rien dire.

    Nous restons là, à nous observer sans qu'aucun de nous ne parle. Seule la pluie qui s'écrase contre la fenêtre vient rompre le silence.

    Son regard est différent de d’habitude : plein de douceur et de… désir ?!

    Oh là, Kév, reprends-toi, c’est n’importe quoi !

    Je rassemble mes esprits et décide de lancer la conversation.

    — Il est cool ton appart ! dis-je d'un ton enjoué

    — T'as vu, il n'y a pas de cercueil, me répond-il d'un ton malicieux, petit sourire en coin.

    Je dois avoir l'air tellement surpris qu'il éclate de rire.

    L’ai-je déjà vu sourire avant ? Non, je suis sûr que non… Je m'en souviendrais ! Pourquoi il ne sourit pas plus souvent sérieux ? Ça le rend encore plus sexy… Et cette petite fossette sur sa joue droite…

    Kév ? Kév ! reprends-toi punaise. Qu’est-ce qui te prend ?!

    — À cause de mon style vestimentaire, je suis sûr que tu as dû croire que je dormais dans une grotte avec un cercueil pour lit et des chauves-souris volant partout, reprend-il mort de rire devant mon expression ahurie.

    — Non, je n'ai jamais pensé ça !

    Bon en fait…

    - Vraiment ? me demande-t-il, l'air espiègle me regardant droit dans les yeux tout en approchant sa tasse de ses magnifiques lèvres.

    Magnifiques lèvres ?! Tu as pris un coup sur la tête mon pote, ça ne va pas non ?! C'est un mec et tu ne l'apprécies même pas. Reprends-toi !

    - Oh, ça va ! Ça m'a peut-être traversé l'esprit une fois ou deux ! finis-je par avouer, un peu honteux.

    Chose qui le fait encore plus rire à tel point que je me sens stupide et me met à rire avec lui.

    Finalement, nous commençons à parler de choses et d'autres et je ne vois pas le temps passé. J’ai l’impression de le découvrir sous un nouveau jour… et je dois avouer que j’aime beaucoup ce que je perçois pour la première fois chez lui !

    Lorsque je regarde l’heure sur mon portable, il est déjà plus de minuit.

    La pluie tombe toujours sans discontinuer.

    — Tu n'as qu'à dormir ici, ce soir, me propose-t-il.

    — Tu es sûr ? demandé-je un peu hésitant.

    — Oui, t'inquiètes. Mon lit n'est pas très grand, mais en se serrant un peu, on peut y dormir à deux.

    En se serrant un peu… À mon grand étonnement, cette simple phrase fait accélérer mon cœur et je sens des papillons me chatouiller le ventre.

    Qu'est-ce qui m'arrive bon sang ?!

    En faisant abstraction du chao qui règne dans ma tête, cette idée ne me gêne pas. J'ai passé un bon moment avec lui. Pour être honnête, j'ai découvert chez lui une personnalité complètement différente de ce que je m'imaginais. Il est gentil et chaleureux… et a beaucoup d’humour !

    Je n'ai pas ri comme ça depuis longtemps !

    Moi qui m'attendais à une soirée cauchemardesque, je suis très surpris et regrette amèrement mon comportement envers lui… On aurait peut-être pu être amis finalement… Moi et mes préjugés stupides…

    — Écoute si ça ne te dérange pas… Vu l'heure et la pluie, j'avoue que ça m’arrangerait.

    — Ça marche, me dit-il, en se levant. Viens, je vais te donner une brosse à dents.

    Je le suis dans la salle de bain et nous commençons à nous bosser les dents ensemble. Je le regarde à un moment donné et manque de m'étouffer en pouffant de rire à cause du dentifrice dans ma bouche.

    Il en a partout ! Ça lui fait une sorte de bouc mousseux blanc.

    — Tu veux faire concurrence au père Noël ou quoi ? lui dis-je mort de rire.

    — Oh, ça va, hein, me répond-il en m'envoyant un peu d'eau au visage.

    Ça part en bataille de gouttes d'eau, de chatouilles et de rires pendant de longues minutes.

    Une fois ce lavage de dents peu conventionnel, mais fort amusant terminé, il prépare le lit.

    — Je me mets contre le mur. dit-il

    — Pas de problème.

    Il s'allonge, éteint la lumière et je m'installe à coter de lui. Le lit est vraiment petit pour deux, nous sommes serrés l’un contre l’autre. J'essaye de bouger, mais je manque de tomber par terre et Yoo Min me rattrape juste à temps.

    — Attends, me dit-il en se déplaçant.

    À mon grand étonnement, il me prend dans ses bras et installe doucement ma tête dans le creux de son épaule. Je lève les yeux vers lui, complètement stupéfait, mais n'ai pas calculé la distance entre son visage et le mien et nos lèvres se frôlent lorsque je redresse la tête pour lui faire face. Je m’arrête net sans pouvoir bouger et quasiment plus respirer.

    Au lieu de me repousser, il ne bouge pas d'un millimètre. Même dans l'obscurité, je peux voir ses yeux fixer les miens grâce à la pénombre atténuée par la lumière extérieure provenant de la fenêtre. Je ne bouge pas non plus et le fixe en retour.

    Nos bouches sont toujours l’une contre l’autre et je sens son souffle chaud me caresser le visage. Étonnamment, ce n'est pas désagréable, bien au contraire… J'en demande plus... mon corps en demande plus... Comme s'il avait lu dans mes pensées, Yoo Min met sa main sur ma joue et commence à m'embrasser avec douceur.

    Lorsque ses lèvres se pressent sur les miennes, mon cœur s'accélère et quand sa langue entre dans ma bouche et commence à caresser tendrement la mienne dans un ballet doux et sensuel, tout mon corps réagit. Il m’embrasse avec tendresse, doucement, langoureusement comme s’il voulait découvrir chaque partie de ma bouche.

    Je sens mon cœur qui bat à tout rompre. Ce n’est pas mon premier baiser, mais c’est la première fois qu’une vague d’émotion me submerge à ce point-là. Je n’arrive pas à réfléchir et surtout à cet instant, je n’en ai pas envie.

    Je mets ma main à l'arrière de sa tête et presse son visage contre le mien ce qui accentue encore plus notre étreinte. Mon corps est littéralement en feu et je sens le sien qui bouillonne aussi. Je me colle contre lui pour sentir son corps contre le mien et il me serre dans ses bras à m’en couper le souffle. Il me caresse doucement les cheveux d’une main, hésitant à aller plus loin… mais je n’ai pas envie qu’il hésite !

    Sans réfléchir à ce que je fais, je passe ma main sous son tee-shirt. Je me mets à caresser sa peau nue en partant du dos jusqu'à arriver sur son torse. Je commence lentement à descendre sur son bas ventre ce qui le fait gémir doucement. Pendant que je découvre son corps de plus en plus audacieusement, nos baisers deviennent de plus en plus intenses. Il me caresse en retour sur chaque partie de mon corps et là, je perds totalement la notion de ce qui est en train de se passer. Ses mains douces et chaudes me font frissonner de bien-être. Je veux aller plus loin… bien plus loin… Sa douceur me met à l’aise et m’enlève toute pudeur. Je me sens en confiance dans ses bras. Je ne sais pas vraiment comment m’y prendre, mais ça n’a aucune importance. À cet instant, plus rien n’existe à part ses lèvres sur les miennes et ses caresses sur ma peau.

    Nous nous embrassons et nous caressons avec de plus en plus d’ardeur.

    D'un mouvement puissant, il se met sur moi et commence à vouloir enlever mon tee-shirt, mais s'arrête d’un coup et me regarde comme s'il veut être certain que je suis d'accord.

    — Vas-y ! dis-je dans un souffle.

    — Tu es sûr ? me demande-t-il ses yeux brillants, remplis de tendresses, qui me font fondre et qui me rendent encore plus sûr de ce que je veux partager avec lui à cet instant.

    — Oui, soupiré-je en me redressant et en l'enlevant moi-même.

    Il en profite pour enlever son débardeur, se penche sur moi et commence à m’embrasser le cou, le torse tout en faisant glisser ses mains le long de mon corps. Je sens sa langue découvrir chaque partie de mon être. Je frissonne de plaisir, complètement étourdi par les sensations qu’il me provoque et sentir nos torses nus l’un contre l’autre m’excite encore plus.

    Il commence à baisser mon pantalon et s’empare de mon sexe d'abord avec sa main dans de sensuelles caresses et je sens sa bouche et sa langue prendre le relais. Je ne peux plus faire demi-tour. Je découvre des sensations que je n'ai jamais connues auparavant avec qui que ce soit, mon corps répond à chacun de ses mouvements. Je gémis de plaisir et presse sa tête contre mon entrejambe.

    Je suis au bord de l'extase lorsqu'il s'arrête et remonte en suivant les lignes de mon torse avec sa langue. Quand sa bouche rencontre de nouveau la mienne, je glisse ma main dans son jogging, attrape son sexe et commence doucement des vas-et-viens en lui caressant la langue avec la mienne et en descendant le long de son cou sensuellement. Son souffle s'accélère et je l'entends gémir, ce qui m'arrache un sourire de satisfaction de lui rendre son plaisir.

    Je le vois se redresser et prendre quelque chose derrière moi. C'est un préservatif.

    Il me regarde d’un air interrogateur, les yeux brillant de désir. Je lui souris pour lui faire comprendre que je suis d'accord. En un éclair, il enlève nos pantalons et glisse le préservatif sur son sexe dur. Je n'ai pas le temps de réfléchir qu'il entre en moi avec douceur en continuant à me caresser. C'est ma première fois de ce genre-là, mais je ressens un plaisir violent, incontrôlable et inconnu jusqu'à ce jour. Malgré une pointe de douleur bien vite dissipée par les gestes tendres de Yoo Min.

    Ses va-et-vient deviennent de plus en plus forts, de plus en plus intenses. Mon corps répond à chacun de ses coups de reins et je suis à deux doigts de jouir. Je pousse un gémissement qui le lui fait comprendre et il intensifie son étreinte avec encore plus de puissance en gémissant de plaisir lui aussi. Il est tellement beau à cet instant avec ses mèches humides de sueur qui lui tombent devant les yeux et son corps luisant, parfait, où je peux voir ses muscles se contractés à chaque mouvement. Je n’en peux plus, je tremble de tout mon corps. Dans un dernier va-et-vient brutal, mais tellement bon à la fois, je finis par jouir comme jamais et j'entends à son râle que lui aussi vient d'atteindre l'orgasme.

    Encore en moi, il me regarde avec une immense tendresse qui fait encore plus, si c’est toujours possible à cet instant, battre mon cœur et se laisse doucement retomber sur mon torse. Il reprend ma bouche pour un baiser d’une douceur infinie avant de poser sa tête au creux de mon cou. Je le serre contre moi et lui caresse tendrement les cheveux.

    J'ai du mal à reprendre mon souffle.

    Je n’ai jamais vécu une expérience comme celle-ci et jamais je n’ai pris autant de plaisir lorsque j’ai eu des rapports avec des femmes. Je suis complètement surpris par les sensations que je viens de découvrir et encore plus parce que j'ai ressenti ça avec un homme, avec Yoo Min, qui a été incroyablement affectueux, tendre et qui a fait attention à mes désirs et mes envies.

    Je suis troublé.

    Si on m'avait dit il y a quelques heures que ce soir j'allais découvrir avec lui le plaisir puissance dix, je n'y aurais pas cru un quart de seconde !

    Je me rends compte que je n'ai jamais été aussi à l'aise avec quelqu'un lors d'un rapport et que j'aime sentir son corps chaud contre le mien, j’aime sentir son cœur battre à l’unisson avec le mien, j’aime être dans ses bras… j’aime… Ce moment avec lui a été incroyable…

    Je voudrais arrêter les temps et rester comme ça pour toujours, me dis-je étonné de ce sentiment.

    Il me fait un bisou dans le cou qui me sort de mes pensées quelque peu confuses.

    — Est-ce que ça va ? me demande-t-il en me regardant.

    Je dépose un léger baiser sur ses lèvres et lui réponds :

    — Mieux que jamais !

    Nous restons un moment dans les bras l’un de l’autre sans rien dire, juste en profitant de cette douce ivresse d’après l’amour.

    Il finit par se redresser à mon grand regret, m’embrasse et m’invite à aller prendre une douche pendant qu’il refait le lit que nous avons complètement mis sens dessus dessous. Je réponds par un sourire, rassemble mes affaires et me dirige vers la salle de bain.

    Une fois nos douches prises, et le lit refaits, nous nous allongeons torse nu dans les bras l'un de l'autre. Il m'embrasse longuement avec beaucoup de tendresse ce qui met de nouveau mon cœur en émoi. Nous n’arrivons pas à parler et je pense que l’on n’en a pas envie non plus pour ne pas rompre la magie de cet instant que nous venons de partager.

    — Bonne nuit, me chuchote-t-il dans l'oreille.

    Je souris et m'endors dans le creux de son cou avec une sensation de bien-être que je ne suis pas sûr d'avoir déjà connu un jour.

     

    Chapitre 4

     

    Kévin

     

    Je me réveille doucement avec la lumière du matin qui vient caresser mon visage. Je suis seul dans le lit, mais j'entends Yoo Min s'activer dans la cuisine.

    Après un bref instant de brouillard, je commence à avoir des bribes de souvenirs de la nuit dernière qui me reviennent. Mon cœur rate un battement… Je fixe le mur, les yeux écarquillés. La sensation de plénitude après l'amour vient de se transformer en stupeur et panique au réveil !

    Qu'est-ce que j'ai fait ?!

    J'ai vraiment couché avec lui ? Sérieux ?!

    Qu'est-ce qui m'est passé par la tête ?

    Je n'ai toujours été attiré que par les femmes. Comment ç'a pu partir en vrille comme ça ?

    C'était une erreur…

    Une grosse erreur !

    Et maintenant, qu’est-ce que je fais ?

    J'attends qu'il sorte de la pièce et je me sauve ?

    Kév, t'as 25 ans, tu n'es plus un gamin, il faut assumer.

    Je finis au bout d'un long moment par me lever, ne sachant toujours pas quoi faire.

    — Tu es réveillé ? me demande-t-il doucement.

    D'un ton plus sec que je ne l'aurai voulu, sans oser le regarder, je lui réponds un simple « oui ». Du coin de l'œil, je m'aperçois qu'il s'est figé.

    — Tu as faim ? tente-t-il de nouveau, mais d'un ton hésitant cette fois.

    — Non, merci…

    Je prends une profonde inspiration et lui fais face. À son attitude, je sais qu'il a compris que je regrette ce qui s’est passé cette nuit. Je me sens minable et honteux.

    — Yoo Min, écoutes... commencé-je.

    — Laisse tomber.

    Son ton sec et dur me glace sur place.

    — Yoo Min....

    Je veux au moins tenter de m'excuser et de lui expliquer, même si à cet instant, je n’ai aucune explication moi-même, mais il ne m'en laisse pas le temps.

    — Je savais que ça finirait comme ça, c'était couru d'avance, me dit-il d'un ton froid et faussement détaché, car à son attitude, je sens que c'est loin d'être le cas.

    — Écoute-moi, au moins ! le supplié-je presque.

    — Pourquoi ? Ça va changer quelque chose ?

    Je baisse les yeux, ne sachant pas vraiment comment répondre.

    — Euh… je…

    Je n'en mène pas large… Je suis là comme un abruti, au milieu de la pièce et je ne bouge pas. Je fixe le sol et n’ai qu’une envie : me sortir de cette situation au plus vite !

    — Je vais prendre une douche. Prends tes affaires. Je te fais cadeau de mes vêtements. Ferme la porte en partant. Je te souhaite un bon réveillon.

    Je relève la tête pour tenter malgré tout de dire quelque chose, pour que ça ne se finisse pas comme ça.

    — Yoo…

    Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'il est déjà enfermé dans la salle de bain. Il ne m’a même pas adressé un regard. J'ai vu ses yeux se remplir de larmes, même s'il a essayé de me le cacher. J'ai encore plus honte de moi. Mais actuellement, je suis complètement perdu et cette fin est mieux pour nous… Ou juste pour moi… Car en voyant sa réaction, je sens que pour lui cette nuit n’est pas une erreur, et je viens de profondément le blesser…

    Je regarde en direction de la kitchenette et m'aperçois qu’il était en train de faire des œufs et du bacon. Je l'ai vu arrêter le feu lorsqu'il s'est rendu compte de ma gêne. Je soupire, prends mes affaires et pars sans un mot de plus avec une sensation étrange que je ne peux m’expliquer et qui me remplit de tristesse.

     

    * * * * * *

     

    Yoo Min

     

    Tu le savais Yoo ! Putain, tu le savais !

    Accroupi dans la salle de bain, je laisse les larmes couler le long de mes joues. J'ai allumé la douche pour que Kévin ne m’entende pas pleurer.

    Mon cœur est brisé en mille morceaux…

    Comme un abruti, en me réveillant ce matin et en voyant qu'il était toujours dans mes bras, j'étais plein d'espoir.

    Et pour finir, il regrette.

    Cette nuit, je lui ai pourtant demandé s'il était sûr…

    Mais ça n’a dû être pour sa part qu’une expérience qui doit être oubliée le plus vite possible.

    J’entends la porte de mon appartement se refermer. Voilà, il est parti… Et ce coup-ci, c'est certain, je ne le reverrai jamais ! Mes sanglots s'intensifient et il me faut un moment pour me calmer.

    Je finis par sortir de la salle de bain. L'appartement est désormais vide, mais toujours marqué par sa présence. J’ouvre la fenêtre en grand avec l'espoir que ma douleur parte avec le vent.

    La pluie a cessé…

    Putain de pluie !

    — Je n'en serais pas là, sans toi ! crié-je en regardant le ciel.

    Je m'assois sur le lit et regarde l'oreiller sur lequel Kévin a posé sa tête et le prend dans mes bras. En le serrant fort, je plonge mon visage dedans pour sentir à nouveau son odeur. Les larmes me montent de nouveau aux yeux.

    Tu as beau le regretter Kévin, mais pour moi, c'était l'un des plus beaux moments de ma vie.

    Et c'est la stricte vérité…

    Je n'ai jamais ressenti ça pour personne et cette nuit a fini de m'en convaincre. Quand je l'ai embrassé, je m'attendais à ce qu'il me repousse, mais ça n'a pas été le cas. C'est même lui qui a commencé à me toucher. Je n'avais pas prévu ça. Je n'avais même pas l'espoir que ça arrive un jour. Mais c'est arrivé…

    Comme dans un rêve, c'était parfait, à tel point qu'après, j'ai fait en sorte d'éviter de parler, pour conserver la magie de ce moment encore un peu. Parce que j'avais peur et que je sentais bien que ça ne pouvait pas être aussi simple… Jusqu'à ce qu'il se réveille et qu'il prenne conscience de ce que nous avions partagé. Il a eu l'air gêné, voire dégoûté. Lorsqu'il a tenté de me parler, je n'ai pas eu l'envie ni le courage d'écouter ses explications ou même de l'écouter s'excuser. Je ne peux rien y faire, je ne peux pas le forcer à m'aimer… Mais je ne veux pas non plus entendre de vive voix ses regrets.

    Le rejet me fait mal à en crever, mais je n'ai aucun regret.

    Mon seul regret est d’être le seul à être tombé amoureux…

    Mes sanglots reprennent de plus belle et je m'allonge sur le lit en tenant toujours l'oreiller contre moi. Comme une dernière étreinte que je n'aurai jamais plus avec l'homme que j'aime plus que tout au monde.

     

    * * * * * *

     

    Kévin

     

    En arrivant dans ma chambre, je jette mes affaires sur la chaise et m'écroule sur mon lit. En fixant le plafond, je croise mes mains derrière ma nuque.

    Je suis un enfoiré ! Un véritable enfoiré…

    Sur le chemin, j'ai repensé à cette nuit.

    Est-ce que je regrette vraiment ? Qu'est-ce qui s'est passé au juste ? Un coup de folie, ou une véritable envie ?

    Je suis perdu. Je n'ai jamais été attiré par un homme avant. Je n'arrive pas à savoir si c'est le fait de coucher avec un homme ou de coucher avec Yoo Min qui me perturbe le plus… Ou les deux.

    Mon téléphone se met à sonner.

    C'est Lisa.

    Je décroche, même si le cœur n'y est pas.

    — Allô.

    — Kév, c'est Lisa, ça va ?

    J'ai envie de répondre "oui", mais avant de comprendre ce qui m’arrive, je fonds en larmes.

    — Kév ?! Qu'est-ce qui t'arrive, pourquoi tu pleures ?! me demande Lisa d'une voix inquiète.

    Je ne pleure jamais. Et quand je dis jamais, c’est vraiment jamais ! Même lorsque mon ex est partie avec mon cousin, je n'ai pas versé une larme. Mais là, je ne sais pas… Trop d'émotions intenses et bouleversantes d'un coup. Je ne comprends pas ce qui se passe, je ne sais plus où j’en suis et le pire de tout c'est d'avoir vu le mal que j'ai fait à Yoo Min qui a pourtant été incroyablement gentil, doux et prévenant avec moi malgré mon comportement avant et après cette nuit.

    Il ne m'a pas fait de scène, pas crier dessus…

    Rien.

    Malgré le fait de l'avoir blessé, je me rends compte qu'il a fait en sorte que je puisse partir rapidement. En colère oui et ça se comprend, mais il ne m'a fait aucun reproche et n'a pas essayé de me retenir. Je ne le réalise que maintenant. J'ai été un énorme connard avec lui du début à la fin !

    Mes pleurs s'intensifient.

    — Kév ! crie Lisa dans le téléphone.

    — J'ai merdé Lisa… J'ai vraiment merdé… lui dis-je sans m'arrêter de pleurer.

    — Avec Yoo Min ?

    Je suis à peine surpris qu'elle comprenne tout de suite.

    — Oui, chuchoté-je entre deux sanglots.

    J'entends Tanguy prendre le téléphone.

    — Allez, viens mon pote, on va boire un verre tous les trois et on va parler.

    — Mais c'est la veille de Noël, vous… commencé-je

    — C'est ce soir. On a toute la journée devant nous. On vient te chercher d'ici à une demi-heure.

    — Ok.

    Je raccroche sans pouvoir arrêter la cascade de larmes qui sortent de mes yeux.

    Lisa et Tanguy arrivent encore plus vite que prévu, alors qu'ils habitent à l'autre bout de Séoul.

    Ça, ce sont de vrais amis, toujours là quand on a un problème.

    Je monte dans la voiture et on roule un moment avant de se garer.

    Personne ne parle, mais je les vois jeter des coups d'œil inquiets vers moi.

    J'ai enfin fini par arrêter de pleurer, mais je suis toujours sous le coup de l'émotion, avec la sensation d'avoir une enclume sur la poitrine.

    On se pose dans un café. Une fois assis, Tanguy me regarde.

    — Vas-y, raconte-nous maintenant.

    Mes larmes se remettent à couler. Je prends une grande inspiration et leur raconte tout : De la sortie du restaurant hier soir, à ce matin.

    Ils se regardent sans dire un mot.

    En enfouissant ma tête dans mes mains, je leur dis :

    — Je sais que j'ai merdé putain, je ne comprends pas ce qui m'a pris…

    — Mais tu regrettes vraiment d'avoir couché avec lui ? me demande Tanguy sans détour.

    — Je… je… je n'en sais rien… Merde, je ne suis pas gay pourtant. Comment ç'a pu arriver… Surtout avec lui... Trois heures avant, je ne pouvais pas le blairer et je finis dans son lit à passer la plus belle nuit de ma vie !

    — La plus belle nuit de ta vie ? relève Tanguy.

    Je ne me suis même pas rendu compte de ce que j'ai dit. C'est sorti tout seul.

    — Je... euh… Oh merde, c'est trop compliqué !

    Lisa qui n'avait pour l'instant pas prononcé un mot me regarde et me parle franchement :

    — Je vais être honnête avec toi, Kév. Ce qui s'est passé entre vous hier soir me surprend. Aller chez lui à cause de la pluie Ok. Mais coucher avec lui, alors que tu ne t'es jamais intéressé à lui, même en tant qu'ami… Je ne comprends pas… Pourquoi avoir fait ça s'il ne te plaît pas un minium ? Pour tester ? Pour un coup d'un soir ?

    — Non ! crié-je presque. Je ne sais pas comment c'est arrivé !

    — Bien sûr que si tu le sais, Kévin, reprend Tanguy. Toi qui n’as eu que des femmes dans ta vie, pourquoi Yoo Min ? Pourquoi lui ? Qu'est-ce qui a fini par t'attirer chez lui ?

    — Hier, en allant chez lui, j'ai découvert un autre Yoo Min. Il souriait, racontait des blagues. Rien à voir avec le gars de d’habitude qui ne décroche jamais un mot. Je ne connaissais pas cette facette de lui et je crois… que c'est ça qui m'a plu…

    J’essaye de répondre avec sincérité, mais tout se mélange dans ma tête.

    — Après avoir couché avec lui, je n'avais pas de regrets, j'étais même heureux. Mais ce matin… j'ai complètement flippé ! Trop d'émotions contradictoires et j'ai paniqué. Je sais que je l'ai blessé. Il m'a dit de partir et j'ai vu au moment où il est rentré dans la salle de bain qu'il avait les larmes aux yeux.

    Repenser à cette scène et à son regard quand il a compris que je le rejetais me serre violemment le cœur et me coupe la respiration. Mes larmes se remettent à couler de plus belle. Je vois Lisa et Tanguy échanger un regard. Lisa reprend la parole en m’observant intensément :

    — Kév, si tu regrettes tant que ça, tourne la page. Tu ne le reverras pas de toute façon, on repart dans une semaine. Donc, détends-toi. Penses-y comme à une expérience et voilà ! Pourquoi te prendre la tête ? À moins que finalement… tu ne le regrettes pas autant que tu essaies de t'en convaincre ?

    Est-ce réellement ça que je veux ? Ne plus jamais le revoir ? Mais rien que cette idée me fait mal et je suis à deux doigts de vomir.

    — Écoutez… je… Lorsqu'il a laissé tomber son attitude de mec froid, j'ai été tout de suite à l'aise à ses côtés. J'ai ri avec lui. On a discuté de plein de choses et je n'ai pas vu le temps passer.

    Je soupire, ne sachant plus où j’en suis.

    — Est-ce qu'en revanche, il me plaît ? Je n'ai même pas besoin de réfléchir, la réponse est : oui. C'est même beaucoup plus que ça... Mais c'est impossible je… je pars la semaine prochaine. On n'a aucun avenir ensemble…

    Sans même les regarder, je poursuis, comme pour moi-même.

    — Être dans ses bras… si j'écoute mon cœur, j'y retourne directement ! Si j'écoute ma tête, je pars en courant ! Qu'est-ce qui ne va pas chez moi les gars ? leur demandé-je de plus en plus confus.

    — Kévin…

    La voix de Tanguy me sort de mes pensées.

    — Écoute. Yoo Min est quelqu'un d'extrêmement timide. Il a un passé douloureux dû à son adoption et à son orientation sexuelle. C'est une des raisons qui font qu'il s'habille en noir tout le temps. C’est une manière pour lui de se protéger, de repousser tout le monde. Il doit prendre son courage à deux mains pour parler avec les gens et il ne le fait que lorsqu’il en a vraiment envie, mais cet exercice est très dur pour lui. Il n'est pas sociable comme nous Ok, mais c'est quelqu'un de profondément gentil. Je pense qu'hier, tu as enfin vu sa véritable personnalité et que ça t’a plu. Tu as couché avec lui parce qu'il te plaît et que tu en avais envie. Tu dis regretter, mais au fond de toi, tu sais que c'est faux, sinon ça n'aurait pas été "La plus belle nuit de ta vie". T'as juste la trouille mec. T'as la trouille, car ce sont des sentiments nouveaux pour toi et que tu n'avais jamais imaginé ressentir ça pour un mec…

    Je le regarde abasourdi. Il vient de poser les mots exacts sur ce que je ressens.

    — Il n'y a aucun mal à aimer un homme. L'amour, c'est l'amour, peu importe le genre et le sexe de l'autre, reprend-il. Si tu es bien avec lui, pourquoi te mettre autant de barrières ? Parce que c'est soudain ? Il n'y a pas de honte à craquer sur quelqu'un. Si finalement, il te plaît et qu'être avec lui te rend heureux, pourquoi ne pas tenter le coup ?

    Ses paroles me font réfléchir.

    Il a raison. Je n'ai jamais été aussi à l'aise dans l'intimité avec qui que ce soit. Cette nuit a été magique à tout point de vue ! Ses baisers ont été les plus doux et ses caresses les plus tendres que je n'ai jamais reçues. Il a été attentionné et a toujours attendu mon approbation avant de faire quoi que ce soit. Il ne m'a jamais forcé. Et si je veux être honnête avec moi-même, j'aurais pu le repousser dès le départ, mais je ne l'ai pas fait… j'ai même pris les devants !

    J'en ai eu envie, c'est tout.

    — En plus, en France, vous risquez de vous croiser, vous vivez dans la même ville !

    Je regarde Lisa avec étonnement.

    — Ah, bon ?!

    — Eh oui, il habite aussi à Lyon. Je ne te l'ai pas dit tout à l'heure afin de voir ce que tu allais répondre, me dit-elle fièrement.

    Décidément, je n'ai vraiment pas pris la peine d’apprendre à le connaître. Je suis apparemment le seul à ne pas savoir qu’il est gay et je n’ai su qu’hier soir qu’il avait été adopté.

    — Donc, si c'est l'après qui t'inquiète, sache que vous aurez la possibilité de vous revoir souvent ! continue Lisa en souriant. Enfin si tu le veux bien sûr.

    Je souris en retour.

    J'y vois plus clair.

    J'ai juste flippé pour des conneries, parce que pour moi, je ne pouvais être qu’avec une femme, et je me suis convaincu que jamais, je ne pourrai un jour être avec un homme. J’ai pourtant beaucoup d’amis dans la communauté LGBT. Mais pour moi, je pensais ne pas en faire partie. Point à la ligne.

    Mon cerveau étriqué vient de voir les choses sous un nouvel angle grâce à Lisa et Tanguy et je n'ai qu'une envie, retrouver la chaleur des bras de Yoo Min. Mais avec ce qui s'est passé ce matin, il ne voudra certainement jamais plus me parler…

    — Bon, tu retournes le voir oui ou non ? demande Lisa d’un ton exaspéré.

    — Ma puce, laisse-lui deux minutes ! lui dit Tanguy en riant.

    — Deux minutes de quoi ? Il vient de comprendre qu'il est amoureux, regarde-le ! Alors, pourquoi attendre ?!

    — Attends amoureux, tu vas peut-être un peu trop vite, lui dis-je.

    — Oh, Kév ! Tu me fatigues ! me crie-t-elle presque avec agacement. Tu sais que tu lui as fait du mal : tu pleures. Tu évoques cette nuit comme « la plus belle de ta vie ». Tu comprends enfin tes sentiments : tu t'illumines ! Et je suis sûr que ton cœur bat la chamade ! Alors, lève-toi, bouge ton cul et va vérifier par toi-même !

    Je regarde son visage tout rouge de colère et me mets à rire. Quand elle est en colère, elle ressemble un champignon de dessin animé avec sa coupe au carré et sa frange droite. Mais elle a raison.

    J'ai été stupide !

    Il faut au moins que j'essaye de lui parler et de lui expliquer. Et pourquoi pas de sauver cette relation qui définitivement compte beaucoup plus pour moi que je n’étais prêt à l’admettre ce matin. Même s'il ne me pardonne pas, au moins, je n'aurai pas de regrets à ce sujet. À défaut d'en avoir d'autres…

    — Ok, j'y vais ! Mais je n’ai pas beaucoup d'espoir qu'il accepte de me parler ou même de me pardonner.

    — C'est la veille de Noël, tout est possible, mec ! me dit Tanguy. L'important, c'est d'être aussi sincère avec lui que tu l'as été avec nous.

    — Fighting ! crie Lisa en levant le poing, ce qui eut pour effet de faire se retourner les clients à la table derrière nous.

    — Merci, les gars, je vous aime, passez un bon Noël tous les deux !

    — Toi aussi mon pote et que ce Noël soit le plus beau de ta vie ! me répond Tanguy avec un sourire d’encouragement.

     

    Chapitre 5

     

    Yoo Min

     

    Allez, Yoo, secoue-toi ! Tu ne peux pas rester allongé sur ton lit jusqu'à la fin des temps !

    Je me redresse et regarde l’heure : 13 h.

    J'ai une furieuse envie d'appeler ma mère, mais il est trop tôt en France.

    Dans un soupir, je me lève et pars ranger la cuisine. Au moment de jeter le petit déjeuner que j'avais commencé à faire pour Kévin et moi, je me rends compte que la poubelle est sur le point de déborder. Il faut que je la descende. Et pourquoi pas aller prendre un café tant qu’à faire. Prendre l’air me fera peut-être du bien.

    Je m’habille, pends la poubelle et sors de mon appartement. Arrivé en bas, je la jette et commence à me diriger vers le Starbucks à coter de chez moi. J’observe les gens qui se promènent joyeusement, les enfants qui rendent fous leurs parents en courant dans tous les sens, les couples se tenant la main et se regardant avec amour…

    Je les envie tellement.

    Ce soir, j'avais prévu de me faire un petit tour en solitaire, de me promener dans les rues pleines de musique sous les éclairages magiques de Séoul, mais le cœur n'y est plus. Je n'étais déjà pas très emballé à la base de faire ça seul, mais là, c'était pire que tout. Du coup, je vais rester chez moi, devant ma télé et voilà.

    — Salut, Yoo Min ! me salut chaleureusement le serveur.

    — Salut, Hyung, tu vas bien ?

    Je viens si souvent ici que j'ai fini par connaître tout le personnel.

    — Oh, tu as l'air fatigué ! Tu as fait la fête hier ?

    Je baisse la tête et soupire sans répondre.

    — Oh là ! À ce point-là ? Chagrin d'amour ? me demande-t-il.

    — Je n'ai pas envie d'en parler, lui dis-je gentiment, mais d'un ton ferme, alors que je sens de nouveau mon cœur se serrer.

    Il n'insiste pas et me sert ma boisson.

    — Tu viens à la fête, ce soir ? me demande-t-il pour changer de sujet.

    — Quelle fête ?

    — On organise une fête de Noël. Plein d'expatriés viennent, et tu es le bienvenu, célibataire ou… en couple, dit-il, avec un petit sourire.

    Je pose sur lui un regard triste.

    — Je crois que je vais rester chez moi, Hyung

    — Tu fais comme tu veux ! Tu es le bienvenu, si tu changes d’avis, tu le sais !

    –Merci, murmuré-je.

    Je tourne les talons rapidement et repars en direction de chez moi. Complètement plongé dans mes pensées douloureuses, tête baissée vers le trottoir, je heurte soudain quelqu'un :

    — Désolé, je…

    Les derniers mots meurent dans ma bouche lorsque je m'aperçois que la personne que j'ai bousculée est... Kévin.

    Il se tient là, devant chez moi.

    Suis-je en train d’halluciner ?

    — Qu'est-ce que tu fais là ? lui demandé-je avec un ton que j'espère froid et détacher, en totale contradiction avec mon cœur qui a raté un battement en le voyant et qui maintenant s'accélère de plus en plus dans ma poitrine.

    L'air un peu hésitant, il finit par me répondre, après quelques secondes de silence :

    — Est-ce qu'on peut parler ?

    — Je pense qu'on s'est tout dit ce matin, non ?

    — Justement, non, me répond-il d'un ton ferme.

    Qu'est-ce que je dois faire ?

    Accepter ?

    Refuser ?

    Mon cœur va-t-il pouvoir en supporter plus ?!

    Devant mon air indécis, il me dit :

    — Écoute, je veux juste te parler. Après, tu pourras me foutre dehors, si tu le souhaites.

    Je n'ai pas envie de le faire rentrer chez moi. Le dernier souvenir qu'il y a laissé est encore trop douloureux, mais d'un autre côté, j'ai envie de savoir. Je finis par me décider et sors mes clefs.

    — Suis-moi, lui indiqué-je sans le regarder.

     

    * * * * * * 

     

    Kévin

     

    Je referme la porte de l'appartement de Yoo Min, en tremblant légèrement. J'ose à peine me retourner. J'ai bien vu en bas qu'il n'a aucune envie de me parler et encore moins que je monte chez lui. Je finis par me retourner et vois ses grands yeux noirs me fixer d'une manière indéchiffrable.

    — Bon, qu'est-ce que tu veux ?

    Son ton dur me glace le sang ! Je ne suis plus du tout sûr que venir le voir était une bonne idée !

    — Il faut qu'on parle d'hier soir, dis-je en prenant mon courage à deux mains.

    — Écoute, il n'y a rien à dire de plus. Tu as été assez clair, ce matin. Tu regrettes, ce n'est pas ce que tu voulais. Fin de l'histoire, me répond-il froidement, avant d’aller s'asseoir sur le lit.

    Je reste debout et me tourne pour lui faire face.

    — Écoute, je suis désolé. Vraiment ! J'ai paniqué... je…

    — Paniqué ? commence-t-il à s'énerver. Je fais si peur que ça ?! Pourquoi tu es revenu alors ?! Je pense que…

    — Mais tu vas me laisser finir, oui ?! crié-je pour le faire taire. Oui, j'ai paniqué Ok ?! Je n'avais jamais fait ça avec un homme ! Je n'avais jamais ressenti ce que j'ai ressenti cette nuit avec personne ! Je ne savais pas comment réagir ni quoi faire ! À l'origine, je pensais que je ne pouvais être attiré que par des femmes et je n'ai pas compris ce qui m'arrivait ! Je… ,ais j'ai réfléchi et je…

    L’intensité de son regard me déstabilise complètement. Je n'arrive pas à savoir ce qu'il pense.

    — Et tu quoi ?

    Sa voix me fait sursauter.

    — Hein ?

    — Et tu quoi ? Tu n'as pas fini ta phrase ! me demande-t-il d'une voix pressante.

    — Je… euh…

    Je ne vais jamais y arriver ! Et merde, tant pis si je me prends son poing dans la figure !

    Dans un élan, je traverse la petite pièce à grandes enjambées, me mets à califourchon sur lui, manquant de lui faire reverser son café. Je prends son visage entre mes mains et presse mes lèvres contre les siennes.

    Il essaye de me repousser, mais je ne recule pas. Il fixe mes yeux visiblement indécis. Je ferme les miens et intensifie mon baiser. Je réussis à glisser ma langue entre ses lèvres pour aller caresser la sienne. Mais je n'ai aucun retour. Il ne me prend pas dans ses bras. Il ne bouge pas. Je comprends que c'est fini, c’est trop tard…

    J’ai été stupide, je l’ai repoussé, je lui ai fait mal. La seule pensée de ne plus pouvoir sentir ses bras autour de moi, ne plus jamais recevoir cette tendresse de sa part qu’il m’avait fait découvrir la nuit dernière. La seule pensée de ne plus jamais le revoir me brise, à cet instant, jusqu’au plus profond de mon âme.

    La vérité m’apparaît violemment !

    J’en suis tombé fou amoureux !

    Lui, cet homme si introverti en ma présence, avec qui j’ai eu si peu de contact, ces six derniers mois… j’en suis tombé follement amoureux en une nuit ! Il m’a fait découvrir la douceur, la tendresse, le respect, le bonheur pour la première fois de ma vie…

    L’idée de le perdre m’est insupportable, mais je l’ai mérité…

    Les larmes me montent aux yeux et je commence à me reculer le cœur lourd, détachant mes lèvres des siennes en me disant que c’est la dernière fois.

    Il a comme un sursaut, à ce moment-là. Il retint ma tête avec sa main et me regarde intensément. Une larme d'amertume glisse sur ma joue. Il l'essuie délicatement avec son pouce, plonge à nouveau son regard dans le mien et m'attire contre lui. Je fonds littéralement en larmes dans ses bras et me niche dans le creux de son cou sans pouvoir m’arrêter ni parler. Il me caresse doucement les cheveux sans rien dire et attend que je me calme avec de mettre sa main sur ma joue pour tourner ma tête vers lui.

    Il commence à m’embrasser tendrement avec une douceur infinie. Je me redresse pour me remettre en face de lui et l’embrasse en retour, le cœur complètement chaviré. L’espoir renaissant me fait trembler. Je presse sa tête contre la mienne pour intensifier cet instant que quelques minutes avant je ne pensais plus pouvoir vivre.

    Nous commençons à nous embrasser avec passion, nos langues dansent une valse sensuelle entre nos lèvres. Je sens mon corps frissonner de bonheur et de désir pour cet homme qui vient de faire basculer ma vie, qui a fait tomber toutes les barrières que je m’étais mises aux fils de mes déceptions amoureuses. Mon cœur bat à tout rompre, tandis que l'excitation de nos deux corps collés l'un à l'autre monte d'un cran. Nos sexes se caressent au travers de nos vêtements.

    N’en pouvant plus, je commence à le déshabiller et il fait pareil pour moi.

    Je sens malgré tout qu'il est encore un peu hésitant, et je veux lui prouver que cette fois, je sais parfaitement ce que je veux : lui et rien que lui !

    Il essaye de me tourner sur le lit pour se mettre au-dessus de moi, mais je ne le laisse pas faire, pas cette fois… Je prends son sexe dur et puissant d’une main et commence un doux va-et-vient tout en faisant glisser ma langue le long de son corps, jusqu'à ce que celle-ci rencontre son membre. Je commence une longue caresse avec ma bouche, doucement au début, mais j'intensifie la cadence petit à petit…

    Lentement... intensément…

    Je l'entends gémir et sens son sexe se gonfler sous mes langoureuses caresses, il s'agrippe à mes cheveux. Je m'arrête alors et remonte le long de son torse en y embrassant chaque partie que je rencontre comme pour laisser mon empreinte sur son corps. Je sens sa main glissée entre mes jambes pour saisir mon membre qui est déjà à la limite de l'orgasme tant ses caresses sont intenses et merveilleuses. La douceur de sa main sur mon entrejambe intensifie encore mon plaisir. Je l’enlève dans un gémissement, avant que ce ne soit trop tard. Je prends un préservatif dans la boîte où il en avait sorti un la veille, le met et le pénètre lentement en l’embrassant. Quand nos corps ne font qu’un, nous gémissons à l'unisson. J'intensifie de plus en plus mes va-et-vient tout en lui caressant le sexe. C'est intense, enivrant. Nos corps entremêlés s'accordent parfaitement et se répondent l'un l'autre.

    Je sens qu'il est sur le point de jouir et moi aussi. Mes coups de reins se font plus brutaux, plus profonds, plus rapides. Jusqu'à ce que je le sente jouir entre mes mains dans un cri. Un dernier coup de reins et je jouis à mon tour.

    Je me penche sur lui pour l'embrasser longuement. Il me rend mon baiser avec passion, la respiration saccadée. Nous échangeons un regard encore marqué par le désir et nous, nous sourions. Heureux de ce nouvel instant partagé qui n’a fait que renforcer ma certitude que j’avais enfin trouvé la bonne personne. Celle avec qui je veux passer le reste de ma vie, même si ce n’était pas vraiment comme ça que je voyais les choses au départ.

    Cette étreinte a été encore plus intense que la première. Je m'allonge sur lui avec un soupir de bien-être, il m'entoure de ses bras et dépose plein de doux baisers sur mon front. J’aimerais que ce moment ne se termine jamais…

    Maintenant, je sais exactement ce que je veux, et c'est lui, c'est tout.

    — Est-ce que je t'ai fait mal ? lui demandé-je un peu inquiet, en relevant la tête.

    Il me sourit :

    — Absolument pas. Tu as été incroyable !

    Je cache vivement mon visage sur son torse et rougis, ce qui le fait rire.

    C'est bien la première fois qu'on me dit que je suis incroyable au lit, me dis-je intérieurement en souriant.

    — Kévin ?

    Sa voix me sort de mes pensées et je relève la tête pour lui faire face.

    — Cette fois, tu ne regrettes pas, hein ? me demande-t-il, l'air inquiet.

    Étant toujours en lui, je me retire et me fais glisser le long de son corps en sueur jusqu'à pouvoir enfouir ma tête dans son cou, pendant qu'il resserre son étreinte comme s'il craignait que je ne m'enfuie à nouveau.

    — Yoo Min, commencé-je.

    Mais je le vois tourner la tête sur le côté pour fuir mon regard, je mets ma main sur sa joue pour ramener son visage vers moi. Ses yeux sont remplis de larmes.

    Non, pas ça ! me dis-je avec un pincement au cœur.

    Je l’embrasse avec douceur pour tenter d'estomper ses doutes et reprends en essayant de bien choisir mes mots :

    — Je n'ai pas regretté, hier soir. J'ai mis un peu de temps à comprendre ce que j'avais ressenti, ce matin. C'était surtout de la peur. Non pas parce que j'avais peur de toi ou je ne sais quoi. Mais parce que je crois que j'avais au contraire beaucoup trop aimé ce qui s'était passé entre nous et que je ne comprenais pas comment on en était arrivés à passer la nuit ensemble. Hier encore, on ne se parlait presque pas et pour être honnête… je n'étais pas super à l'aise avec toi.

    Ses Yeux se remplissent à nouveau de larmes et je continue rapidement mon explication pour en finir avec cette discussion qui lui fait mal.

    — Mais hier soir, tu m'as montré une autre facette de toi. Je ne t'ai jamais vu sourire avant. J'ai même découvert que tu avais de l'humour ! Et parler avec toi a été un vrai plaisir, j'étais à l'aise comme je ne l'ai jamais été et c'est ça qui m'a fait craquer ! Hormis ton corps magnifique évidemment, lui dis-je, d'un ton malicieux qui le fit sourire.

    — Je t'aime, me dit-il tout à coup en me regardant dans les yeux. Je t'aime depuis la première fois où je t'ai rencontré à la réunion des expats.

    Je le regarde sans pouvoir cacher ma surprise.

    — Attends, tu m'aimes depuis six mois ? lui demandé-je incrédule.

    — Oui… Je sais que je t'ai fait mauvaise impression. C'était la première fois que je ressentais ça pour quelqu'un et dès que je te parlais, je perdais tous mes moyens. Une vraie cata ! Je savais que je passais pour un imbécile, mais j'étais incapable de faire mieux, tu m’intimidais trop, m’avoue-t-il en riant.

    — Oh, mince, dis-je avec un rire gêné, je ne m'en serais jamais douté.

    — Lisa, elle, elle avait compris. Mais plus, elle essayait de nous caser ensemble, moins tu comprenais, plus c'était pire. J'ai fini par la supplier d'arrêter, dit-il dans un rire. Mais, je crois qu'elle a de nouveau essayé hier soir.

    Je suis un peu surpris par toutes ces révélations. Je ne me suis jamais aperçu de rien.

    Donc Lisa et, je suppose, le reste de la bande le savaient et ils ne m'ont rien dit du tout ?! Je les en remercie d'ailleurs, parce que je crois que si j'avais été au courant, à ce moment-là, je serais parti en courant, me dis-je en souriant.

    — Au moins, leur souhait s'est réalisé. On sera ensemble pour Noël, rié-je, en l’embrassant.

    — Oui, il faut en profiter, vu que tu retournes en France dans une semaine, dit-il, le regard triste.

    Je reste silencieux à ces mots.

    Mais une idée me germe dans la tête.

    Nous continuons à discuter un moment et il me propose d'aller à la fête organisée par le Starbucks et d'aller voir les illuminations de Noël.

    J'accepte avec joie.

    Il se lève pour aller prendre sa douche.

    — Tu viens ? me propose-t-il, le regard lourd de sous-entendus.

    Je décline l'alléchante invitation.

    — Je dois passer un coup de fil en France. Si j'attends, il sera trop tard.

    — D'accord, ne t'enfuis pas, hein ! me lance-t-il, mi-plaisantin, mi-sérieux.

    — Aucun risque, lui dis-je avec un ton assurer.

    Il entre dans la salle de bain et je prends mon portable pour composer un numéro.

    Il en ressort au moment où je raccroche et je me précipite vers lui et lui saute au cou.

    — Qu'est-ce qui t'arrive ? me demande-t-il en riant.

    — Mon coup de foudre à moi ne date peut-être que d'hier soir, mais je suis sûr de ce que je ressens. Je t'aime, lui dis-je, en l'embrassant. J'ai appelé l'association qui s'est occupée de mon voyage pour voir si je peux repousser mon retour de six mois et ne pas rentrer la semaine prochaine, afin de rester avec toi.

    Il me regarde complètement décontenancer et aucun son ne sort de sa bouche.

    — Enfin, si tu en as envie évidemment, dis-je soudain, un peu inquiet de son manque de réaction.

    — Bien sûr que je le veux ! s'écrit-il. Mais du coup, ils ont dit quoi ?

    — Que si j'ai un boulot, c'est bon. Alors, j'ai appelé mon patron et il accepte de me reconduire de six mois… Donc a priori, je reste ! déclaré-je dans un sourire.

    Fou de joie, il me prend dans ses bras et me fait tournoyer dans la pièce en riant.

    — En revanche, je perds ma chambre. Donc…

    — Donc… tu viens habiter avec moi, me dit-il d'un ton ferme.

    — Tu es sûr ?

    — Oh, oui ! J'ai attendu assez longtemps ce moment, je ne veux plus être séparé de toi ! m'affirme-t-il en m'embrassant. Aller, va prendre ta douche comme ça on sort fêter ça après !

    Sous l'eau bien chaude, je suis sur un petit nuage. Je suis heureux comme je ne l'ai pas été depuis… jamais en fait ! Je souris à l'idée de partager mes couchers et mes réveils avec Yoo Min. Je me sens prêt et étonnamment serein. J’ai confiance en l’avenir.

    J'ai omis de lui dire que j'ai appelé mes parents en vitesse pour leur dire que je reste six mois de plus en Corée avec… mon petit ami.

    Ça les a un peu désarçonnés sur le coup, mais ils ont finalement très bien accepté la nouvelle et nous ont souhaité "beaucoup de bonheur".

    En sortant de la salle de bain, Yoo Min me tend un jean et un pull chaud, mais je reste statufié.

    Il a mis un jean bleu clair et un beau pull blanc bien épais et... bien moulant qui font ressortir sa carrure impressionnante ainsi que ses traits doux, ses beaux cheveux noirs qu'il a laissé détacher et ses magnifiques yeux. Par-dessus, il a mis un long manteau noir.

    Waouh, il est absolument sublime !

    — On ne va peut-être pas sortir finalement, lui dis-je en le regardant de haut en bas.

    — Pourquoi ?! demande-t-il surpris.

    — Tu es passé du style gothique, vêtements larges, au style gentleman parfait mettant en avant ton corps de rêve… Je ne vais jamais pouvoir tenir à distance les filles et les mecs ! Ça fait trop de monde !

    Il éclate de rire, mais je vois ses joues devenir rouges de plaisir devant mon compliment. Il me prend dans ses bras et m'embrasse dans le cou.

    — Nouvelle vie, nouveau look. Je suis heureux donc adieu le style vampire ! Mais pour moi, il n'y a qu'une seule personne qui compte à mes yeux et dans mon cœur… Et c'est toi.

    Il m'embrasse sur les lèvres dans un baiser langoureux. Le contact de nos langues suffit à faire remonter cette douce chaleur en moi qui se répand jusqu'à mon bas ventre. Je mets fin à cette étreinte en riant.

    — Si tu continues, on ne va jamais partir, lui dis-je, le regard plein de sous-entendus.

    Il soupire, mais accepte de s'éloigner tout en me chuchotant à l’oreille un "j'attendrais cette nuit, alors" qui me fait frémir.

    Je finis de me préparer et nous descendons dans la rue remplie de monde. La nuit est tombée et les décorations scintillent. Yoo Min me pend la main et entrelace ses doigts avec les miens. Je le regarde en souriant.

    Tout en marchant, il me dit :

    — Tu vois, mon espoir pour Noël, c'était d'être à tes côtés et je n'aurais jamais cru ça possible. Mais là, tout de suite, je suis le plus heureux des hommes.

    — Moi aussi, lui dis-je, le regard plein de tendresse

    — Mais tu es sûr que tout ça ne va pas trop vite pour toi ? Je veux dire… en 24 h, c'est rapide non ? Beaucoup de monde nous entoure et la musique est très forte, mais je perçois une pointe d'inquiétude dans sa voix. Je m’arrête, il se tourne pour me regarder et avec mon plus beau sourire, je lui réponds :

    — Ma mère m'a dit un jour : « Quand tu trouveras la bonne personne, tu le sauras ». Lorsqu’elle m'avait dit ça, j'étais assez dubitatif. Mais maintenant, je sais où elle voulait en venir : quand on sait, on sait. Ça ne s'explique pas.

    Yoo Min m'embrasse d'un coup au milieu de la rue, chose assez mal vue en Corée, mais visiblement, il s'en fiche sur ce coup-là. Il me sourit tendrement, me reprend la main et nous reprenons notre chemin des étoiles plein les yeux et l’avenir devant nous.

     

    Épilogue

     

    Yoo Min

     

    En partant chercher Kevin à son travail, je lève les yeux pour regarder les illuminations de Noël. La place Bellecour est magnifique et cette année, ils ont mis un énorme sapin de Noël avec des rennes et un traîneau. Le fauteuil du père Noël est vide, forcément, le 24 décembre, il a du boulot !

    Ça fait six mois que l'on est rentré en France.

    Nos six mois passés ensemble en Corée ont été fantastiques.

    J'avais très peur au début que Kévin ne change d’avis ou ne supporte pas d'être tout le temps collé à moi dans mon petit appartement et finalement ça nous a encore plus rapprochés. Nous étions et nous sommes toujours inséparables.

    Nous vivons maintenant à Lyon dans un 70 m², mais cet appartement doit être trop grand, car nous sommes toujours collés l'un à l'autre, pensé-je avec un sourire.

    Ce soir, nos familles se réunissent pour notre premier Noël tous ensemble, tout le monde s'entend très bien.

    Lorsque j'ai appris à ma mère que je sortais avec Kévin, elle avait frôlé l'hystérie, ce qui nous avait valu de beaux fous rires en Face Time avec elle avant de rentrer en France, me rappelé-je, amusé.

    Je ne pensais pas que ma vie pouvait prendre une tournure si heureuse.

    Moi qui avant voyais tout en noir, qui avais subi un grand nombre de moqueries dues à mon adoption et qui avais été malmené par les hommes avec qui j’avais été auparavant. Raison pour laquelle d’ailleurs, j’avais décidé d’aller découvrir mes racines en partant en Corée pour laisser derrière moi ces traumatismes. Désormais, je vois la vie de toutes les couleurs et ce n'est rien de le dire tellement la personnalité de Kévin est lumineuse et pleine de joie de vivre. Il me remplit de bonheur.

    Mes parents l'adorent et le traitent comme leur deuxième fils adoptif.

    Nous sommes toujours en contact avec nos amis de Corée. Ils sont aussi toujours ensemble.

    Lisa et Tanguy vivent à Paris et Charlotte et Max à Bordeaux.

    D'ailleurs, c'est là que nous nous rassemblons la semaine prochaine pour le Nouvel An, car Charlotte attend un heureux évènement. Ce sera l'occasion de nous revoir et de fêter ça !

    Ce voyage en Corée à complètement changer nos vies à tous les six.

    — Coucou, mon amour ! me lance Kévin en me sautant au cou.

    — Tu as passé une bonne journée mon cœur ? lui demandé-je en l'embrassant.

    — Oui, mais j'ai hâte d'être en vacances, me dit-il, en souriant.

    Je lui prends la main et nous partons en direction de l'appartement de mes parents, pour le réveillon.

    Les parents de Kévin nous retrouvent là-bas.

    — Tu te rends compte que ça fait déjà un an que l'on est ensemble ?! me dit-il joyeusement. Il faudra qu'on fête ça cette nuit !

    Je vois un petit sourire malicieux apparaître sur son visage, ce qui me fait rire.

    — Qui aurait cru que tu puisses m'aimer un jour vu comment tu me détestais à l'époque, me rappelé-je.

    — Mais mon amour, on obtient toujours ce que l'on déteste ! C'est ça la vie !

    Je m'arrête au milieu du pont de la Guillotière et l'enlace.

    — Ce n'est pas faux, lui dis-je. Et maintenant ?

    Il m’enveloppe d’un doux regard et répond :

    — Et maintenant, je t'aime et je ne peux plus vivre sans toi.

    Ses mots font palpiter mon cœur et je l’embrasse passionnément.

    — Moi aussi, je t'aime.

    Nous nous embrassons à nouveau et reprenons notre chemin main dans la main, sous les guirlandes scintillantes où l'on peut y lire : "Joyeux Noël" !

     

     

     


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