J’ai bien failli passer à côté de la série pour deux raisons : d’une, les dramas historiques ne m’attirent pas, et encore moins ceux de cette période. De deux, même si j’aime le fantastique, j’en ai soupé des histoires avec des voyages dans le temps. Mais quelle n’aurait pas été mon erreur !

Ce BL est un bijou de scénario aux allures d’épopée. Je me suis pris de passion pour cette époque de l’histoire thaïlandais tout en visionnant la série, j’écumai le net pour tout savoir sur cette période.

En effet, la série explore le passé et examine les normes sociétales de l'époque, offrant une perspective rare et éclairante. Je m’étais déjà imaginé quelle pouvait être la vie des personnes LGBTQIA+ d'il y a un siècle mais sans parvenir à vraiment me mettre dans ce genre de situation. Mais cette magnifique histoire nous offre un profond panorama en mettant en lumière les dangers, les préjugés et les sacrifices personnels. Malgré les nombreux défis, I Feel You Linger in the Air ne s'attarde pas uniquement sur la morosité. Il met également l'accent sur la force, la résilience et l'espoir dans un parcours inspirant.

De plus, il ne parle pas seulement de la communauté, mais aborde aussi nombre de sujets afférents aux autres minorités, comme la question de la place de la femme dans cette époque d’un point de vue sociétal et également de la question des serviteurs.

Commençons par la romance de nos leads et par le personnage de Jom. Jom m’a tout de suite paru quelqu’un d’adorable, il vit une relation longue distance mais assez étendue et se projette dans un avenir stable avec son compagnon. On ressent très bien l’optimisme et le bonheur qu’il éprouve à revoir son amour après tous ces jours de séparation, ils vont enfin pouvoir concrétiser ce bonheur à deux qu’ils avaient mis en pause.

C’est pourquoi la chute est si rude…

Ohm est une personne détestable ! Il aurait pu rompre avec Jom, ce dernier aurait souffert, oui, mais il n’aurait pas passé des mois à imaginer un futur qui n’arriverait jamais ! Et en plus, il se permet de le larguer devant sa " concurrente " enceinte jusqu’au yeux ! Mais on est où là ?! C’est quoi ces façons de faire ?!

Ce qui me fais me poser la question : est-ce que Ohm l’a jamais vraiment aimé ? Ne s’est-il pas juste servi de lui ?

Ses rêves brisés, son amour piétiné, Jom perd pied et il entre dans une spirale dangereuse qui le conduit à sa propre autodestruction. L’agonie de lui-même qu’il a est si intense, que quand il vient malencontreusement à se noyer, il ne se débat pas, il se laisse couler comme cédant à tomber au fond du puits de son propre désespoir.

Alors que tout paraît perdu pour lui, une apparition fantasmagorique de Yai vient lui donner le souffle qu’il refuse de gagner par lui-même. Yai est son souffle de vie, il lui sauve la vie de bien des manières par ce geste. Et, on le verra par la suite de l’histoire, à chaque pas trébuchant de Jom, Yai lui donnera l’impulsion nécessaire pour le tirer plus haut et lui donner le cœur de vivre.

Yai, quant à lui, est un être profondément empathique. Ses lectures et sa nature on fait de lui une personne qui vise vers le progrès de l’humanité dans l’acceptation de sa diversité, voulant lutter pour l’abolissement des barrières existant entre les êtres de différences sociétales _ autre grand thème de la série _. Qu’il protège les domestiques ou qu’il s’inquiète du bien-être de sa grande sœur, il prouve à chaque instant qu’il peut être la main secourable dont a besoin tout un chacun.

Comme je le disais, on assiste dans ce drama à une lutte des classes perdue d’avance concernant les plus bas dans l’échelle sociétale : les serviteurs.

Ce qui m’amène également à parler des " méchants " de l’histoire pour utiliser un terme générique ( bien que " pourritures " pourrait mieux convenir ).

Car ne vous y trompez pas, même si les parents de Yai peuvent paraître moins horribles que le personnage de Robert, ils sont tout aussi inhumains.

Robert, en effet, remporte la palme. Ce n’est rien d’autre qu’une grosse brute violente, violeuse et complètement tarée à mon sens. Au lieu de l’emprisonner, je l’aurai fait cramer moi…

Le père homophobe au possible qui " résout " l’homosexualité de ses enfants en les réduisant à des monnaies d’échanges pour des actes commerciaux en les mariant aux gosses de ses partenaires en affaires, je ne m’étalerai même pas là-dessus, ça lui donnerait trop d’importance, ce gars là m’évoque l’empathie qu’on pourrait avoir pour le ver qui infecte la pomme qu’on est en train de manger.

La mère de Yai.

Mais elle ! C’est peut-être la pire… Elle se montre faussement empathique avec ses enfants mais, c’est elle qui pousse Yai à envisager sa rupture avec Jom en lui faisant miroiter la réalisation de son rêve d’étudier en France. Juste après avoir appuyé son mariage commercial, ne l’oublions pas ! C’est elle qui a enfermé dans une cage dorée sa propre fille qui rêvait d’apprendre la politique. Elle a elle-même tourné la clé qui enfermerait ses libertés pour la vendre à un homme qu’elle n’aimait pas parce que " c’est la tradition " d’être misogyne à cette époque. C’est encore elle qui voulait punir sa servante, fidèle et dévouée depuis de nombreuses années, pour avoir voulu voir sa mère avant qu’elle ne meurt. Cette femme n’a aucune compassion pour qui que ce soit, c’est un tyran qui succède à un autre mais qui cache ses intentions de fer dans un gant de velours.

Bon, ok, j’arrête de cracher mon venin, c’est vrai qu’elle se rachète un peu à la fin mais j’avais quand même envie de lui faire connaître les bisous à coups de pelle…

En 1928, époque où a échoué Jom, les serviteurs ne sont pas maître de leur vie, ils doivent supporter toutes les ordres de leurs employeurs même si ceux-ci sont déraisonnables. Ming le résume bien quand il raconte sa vie : " Me réveiller, travailler jusqu'à la nuit, boire de l'alcool, oublier mes problèmes et dormir ". Une routine sans avenir, sans progrès, sans horizon. On se demande ce qui peut les raccrocher à la vie…

C’est une époque où refuser le droit fondamental à la nourriture est censé être une sentence clémente ! Et je comprenais tellement Jom qui lançait des déclarations passionnées disant que ce monde allait changer et qu’il fallait initier ce changement… Si on lit entre les lignes de ces situations, on voit bien qu’il s’agit d’une critique subtile des dirigeants oppressifs de la vie réelle qui existaient il y a un siècle et qui existent encore aujourd'hui. La famille de Yai établit des parallèles avec la monarchie thaïlandaise et d'autres tyrans dans le monde. Yai représente ceux qui ont une certaine influence, mais qui ont peur de s'exprimer et de s'opposer à la structure injuste du pouvoir.

Malheureusement, les serviteurs sont bien déshumanisés et, Lek, le jeune frère de Yai, qui symbolise le maître de demain, perpétue cette structure oppressive. On le voit avec le malheureux exemple où il utilise Jom comme monture disant qu’il est un buffle. Cette scène peut être anodine, car qui n’a pas joué " à cheval " avec un enfant une fois dans sa vie ? Mais quand Jom demande, harassé par le jeu et la chaleur, à faire une pause, c’est l’enfant lui-même qui lui répond " un buffle ça ne parle pas " et il ne comprend pas quand Jom se lève en répondant violemment " je suis une personne, pas un buffle ". Il traite les serviteurs comme des animaux et non comme des humains. Malheureusement, pour chaque leader progressiste comme Yai, il y a un tyran inconscient comme Lek.

Si 1928 n’était pas une époque sympa pour être serviteurs, ça l’était d’autant moins pour être une femme. Les femmes ne pouvaient bien souvent pas trouver d’autres échappatoire que le mariage pour obtenir sécurité et stabilité, sans parler de nécessité économique. Et là je parle des femmes de milieu aisé ! Si on prend la sœur de Yai, Eeang Peung, elle a au moins la " chance " qu’on accorde une valeur pécuniaire à sa vie.

Mais si on prend l’exemple tout d’abord de Fong Kaew qui se vend à Robert pour assurer sa survie, et celle de sa mère, tout en abandonnant pour toujours sa possibilité de vivre son amour avec Khamsan. Car même après l’arrestation de Robert, Fong Kaew est détruite, tant dans sa chair que dans son esprit, c’est une survivante de ce système oppressif et il ne lui reste plus que sa vie, mais à quel prix…

Et il y a pire : le personnage de Maey. Maey est le creuset où se rassemblent toutes les marginalités, elle est servante,femme et gay ce qui fait d’elle l’antithèse parfaite de la classe dirigeante du pays ( de tous les pays ), à savoir les riches hommes hétérosexuels ( je ne rajouterai pas " caucasien " parce qu’on est en Thaïlande mais vous voyez l’image ). De tous les personnages, Maey est celui à qui la vie à distribué les cartes les plus dures à jouer…

Avec cette équipe de, pardonnez-moi l’expression, " bras cassés ", c’était pas gagné ! Mais ce fut jouissif de voir la coalition de toutes ces minorités pour étendre le grand Robert ainsi que le père et l’oncle dans leur trafic ! Qui plus est par le personnage de la Reine Verte ! C’est une formidable victoire à mes yeux.

Nos deux héros vont vivre une histoire d’amour pleine de passion et d’interdits par laquelle Jom va apprendre à redonner sa confiance à l’amour. Lui qui se croyait maudit dans la vie, va apaiser son cœur. Sur la fin, il sait que la séparation d’avec Yai est inévitable mais il a fini de s’inquiéter de cette fin inéluctable, il est heureux du temps qu’ils passent ensemble, même si celui-ci est bien court.

Et quand Jom est de retour à son époque, il sait que Yai n’a jamais cessé, et ne cessera jamais de l’aimer. La lettre qu’il retrouve parmi les souvenirs imprégnés dans la maison qui aura abrité leur amour le lui confirme par quelques mots " je suis peut-être déjà ton passé, mais tu es mon avenir ".

Et on peut sentir le amour éternel persister dans l’air, comme le parfum subtil des fleurs de frangipanier.

Le seul point noir de la série ( oui, il faut bien qu’il y en ait un ), c’est cette divergence avec Jom qui revient encore plus loin dans le passé pour rencontrer un autre Yai, celui-là même qu’il l’avait sauvé premièrement de la noyade et qu’il voyait en rêve. Je n’ai pas compris pourquoi poursuivre ce point là, je trouve que c’était mal joué de la part des scénaristes.

Cette série nous inculque plusieurs choses importantes autant sur le passé que sur notre présent et ouvre notre esprit à des idées qu’il faut absolument considérer.

Elle nous montre que souvent, accepter le moindre de deux maux comme une victoire, est la leçon douce-amère du progrès.

Que l’amour, quelque soit son genre ou sa nature est censé être un spectacle époustouflant, pas un secret honteux.

Et également que la société doit évoluer pour protéger toutes les Maeys du monde.

Maintenant, à vous de me faire part de votre avis.